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LA VIE CULTURELLE TURQUE EN FRANCE
LA VIE CULTURELLE TURQUE EN FRANCE
9 février 2010

FAZIL SAY DANS LA PRESSE

Le quotidien Le Monde, du 8 février consacre un long article au pianiste Fazil Say qui va donner deux concerts à Paris

Donner une carte blanche à Fazil Say les 9 et 10 février au Théâtre des Champs-Elysées ? impossible de faire autrement tant le tempérament du pianiste turc mêle naturellement musique et liberté. Au point que chacun de ses concerts suscite fascination et controverses. Bête de scène ? Fazil Say est surtout un musicien extraordinaire, qui joue, compose et improvise comme il respire.

Ce n'est pas une heure d'artiste - 11 heures du matin -, celle où nous rencontrons le pianiste de passage à Paris, en décembre 2009 dans le patio branché de l'hôtel Amour. Plus décoiffé encore qu'à l'accoutumée, les yeux gonflés de sommeil. "J'ai commencé la musique avec des objets, en écoutant la radio, marmonne-t-il en s'asseyant devant un café. Mon père était musicologue. A 5 ans, je suis entré au Conservatoire d'Ankaradans la classe d'un pianiste qui avait été l'élève d'Alfred Cortot."

Fazil Say dit qu'il a composé et improvisé tout de suite. C'était d'ailleurs la première chose que ce professeur atypique lui demandait : "Raconte-moi avec ton piano ce que tu as fait dans la journée, ce que tu as vu, senti." Est-ce pour cela que Fazil Say donne toujours cette étrange sensation d'inventer un récit ?

On se souvient du pianiste de 28 ans, la première fois au Festival de La Roque-d'Anthéron. C'était le 8 août 1998. Pas un concert, un rite cannibale. La puissance fauve, démiurgique, de ces musiciens qui outrepassent la musique parce qu'elle les possède. Rien à voir a priori avec l'homme froissé de ce matin, recroquevillé sur sa chaise, pas réveillé du tout.

Il part à 17 ans étudier avec David Lévine à l'Institut Robert Schumann à Düsseldorf : "Les études en Allemagne sont une tradition familiale. Je possédais déjà une technique qui me permettait de jouer les morceaux les plus difficiles, mais je n'avais rien compris à l'âme de Mozart ou de Schubert."

Quatre ans plus tard, il enseigne à l'Académie des arts de Berlin. En 1994, il remporte le Young Concert Artists International Auditions à New York. Sa carrière est lancée. Les Etats-Unis, le Japon, la France l'adoptent d'emblée. "J'ai fait plus de 400 concerts en France, affirme-t-il. Et, durant les années 1990, 50 à 60 concerts par an. Et puis j'enregistre pour la maison de disques Naïve !" Malgré tout, "pas facile d'être un artiste turc", lâche-t-il. Ni à l'étranger : "J'ai mis dix ans avant d'être invité par l'Orchestre, allemand, de la Radio bavaroise." Ni en Turquie...

Fazil Say n'a pas fait partie de la programmation officielle de la Saison de la Turquie en France, qui s'achèvera en mars 2010. Il a refusé, dans une lettre ouverte, publiée sur Internet et intitulée "La Turquie m'a censuré". Il y témoignait de ses inquiétudes de citoyen devant la montée de l'intégrisme en Turquie, accusant "le régime de l'AKP, parti conservateur islamiste" au pouvoir depuis 2002 d'avoir censuré ses oeuvres et annulé plusieurs concerts "pour des raisons politiques, (...) actes révélateurs d'une mentalité qui ne devrait pas trouver sa place au XXIe siècle. Elle est incompatible avec l'art. Elle est antidémocratique".

L'affaire remonte à 2007. Son oratorio, Requiem pour Metin Altiok, écrit en 2003 à la mémoire du poète assassiné par les islamistes radicaux en 1993, avait été mutilé par l'interdiction, faite par le ministère de la culture turc, de projeter les images d'archives du drame qui devaient accompagner sa musique. Le pianiste s'était exprimé en août 2007 dans les pages culturelles du quotidien turc Radikal, soulevant une flambée de haine.

Fazil Say ne dit pas qu'il a reçu des milliers de lettres et de mails d'injures et des menaces de mort, que les autorités allemandes ont préféré annuler un de ses concerts à Munich tant la situation était sérieuse. "Je suis un opposant qui n'empêche pas les femmes portant le voile islamique de venir à mes concerts", dit-il, ajoutant qu'il ne le fera jamais porter à sa fille.

C'est en héritier de la troisième génération des réformes lancées parMustapha Kemal Atatürk (1881-1938), qu'il défend une culture turque ouverte sur le monde. Passeur dont l'oeuvre mêle sonorités traditionnelles et grandes formes occidentales, Fazil Say est un "pont sur le Bosphore entre Orient et Occident".

Marie Aude ROUX


Carte blanche à Fazil Say, avec Patricia Kopâtchinskaja (violon), Burhan Öcal (percussions). Théâtre des Champs-Elysées, 15, avenue Montaigne, Paris 8e. M° Alma-Marceau. Les 9 et 10 février à 20 heures. Tél. : 01-49-52-50-50. De 5 € à 72 €.
Le 11 février à Brest (Le quartz), le 12 février à Tarbes (Le Parvis).

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